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Se présenter, se représenter, se donner à voir, se personnifier, c’est choisir ce qui nous plaît à montrer, ce qui nous arrange de laisser voir, ce que nous croyons être ou que nous voulons être.

L’autoportrait, une représentation imaginaire de celui que je reconnais comme étant un peu moi, de celui que je veux afficher aux yeux des autres, de celui qui loin d’être soi est présenté comme un soi-même, peut-être simplement pour mesurer l’écart, prendre de la distance, souligner un trait ou exhiber quelque chose.

L’autoportrait est parcellaire, il n’est que points de vue, il n’est que l’illusion donnée d’un soi.

 

Alors qui suis-je ?

 

SOLANGE DJENAB

SEXE FEMININ

1,69 METRES

NEE LE 23/03/1985 à Ste Colombe

NATIONNALITE FRANCAISE.

 

Voilà quelques critères auxquels j’ajouterai la photographie officielle de mon visage que je partage avec suffisamment de personnes pour pouvoir affirmer que c’est moi.

Pour le reste, rien n’est moins sûr !

 

Alors qui suis-je sinon ce que les autres disent de moi ? Que suis-je d’autre que la somme de quelques discours choisis que je conforte en moi comme autant de vérités qui s’entremêlent ?

Peut-être que l’être ne s’exprime qu’entre les lignes d’une pluralité de fragments offerts, volés ou abandonnés à l’orée d’une simple existence dans la rencontre avec ce qui est autre et qui devient sien.

Peut-être est-ce ce que je me raconte parce que cela fait de l’équivoque notre seul destin ?

 

Face à celle que je pense être, c’est dans chaque relation que je me révèle, autant de scènes où chaque représentation n’est jamais la simple répétition de la veille ni la grande première de demain. Parfois je me surprends, parfois je me déçois. Le moi que j’imagine, que je rêve, que je fantasme, celui de tous les possibles ou de tous les échecs, lui non plus, ce n’est pas moi et pourtant parfois je l’aperçois sur les planches de mon théâtre interne se pavanant, cherchant son public, souvent je lui coupe la voie.

 

Je suis ce que je pense être, ce que les autres s’en imaginent, ce je reconnais de moi dans ce que les autres m’en disent et ce que je leur dis de moi.

L’écart se mesure à travers la multiplication de moments partagés, dans la fabrication inter-liée de chaque instant où je suis moi ou hors de moi, où je suis ce que je reconnais ou non de moi, je suis même parfois ce que les autres veulent de moi ou c’est ce que j’en crois.

 

L’être c’est alors ce qui, à la fin, subsiste, une persistance, une évidence au moment où un dernier point se pose avant la prochaine feuille blanche ou à la fin du livre. Être c’est ce qui s’actualise jusqu’à la dernière mise à jour.

 

Je ne suis qu’à posteriori tel ce personnage de conte qui parce qu’il est déjà écrit laisse au lecteur l’illusion de se créer au fil des pages que ce dernier, activement, lit.

Et au fond, ce personnage malgré tout, il le compose et lui offre une existence. A la fin du livre, il continue parfois d’imaginer la suite de ses péripéties, il lui réinvente parfois une fin tragique ou un avenir radieux pour de nouveaux lendemains. Ce qui signifie que l’histoire n’est qu’une sélection d’éléments, d’acteurs, d’actions… qu’une version épique, tragique, dramatique, comique, poétique … dans une multitude de possibilités de récits.

 

Le mouvement, la trajectoire, sont invisibles et pourtant l’être est porté dans leurs sillages. Parfois chante la ritournelle, d’autres fois la sphère s’élargit autant que l’être est capable de consentir à chambouler ce qu’il croyait absolument certain. Se lancer dans un nouveau couplet, une strophe inédite.

 

Pour exister, il est nécessaire qu’il y ait un autre qui interagisse avec nous. C’est avec les autres que se construit le réel, que je choisis de donner corps à mes idées, d’agir et de ce fait, d’éprouver la concrétude de mes pensées. Dissonance, concordance, résonance, un simple accord, telle la musique, nos vies s’arrangent et se délitent.

 

Ainsi, je suis plus qu’une somme d’instants et pourtant je m’y soustrais. Je suis ce que je me raconte et trop souvent je fabule pour vivre ma propre fiction.

Je ne me réduis pas à ce que l’autre sait de moi et pourtant ce sont les autres qui me dessinent, me réfléchissant des rôles que j’endosse ou non. Parfois, je me reconnais dans ce qu’ils projettent sur moi, parfois je me débats avec ces représentations quand d’autre fois je me découvre sous ce nouvel éclairage.

Ce que je reconnais aujourd’hui comme étant moi, n’est peut-être qu’un compromis entre ce que je perçois et ce que les autres me renseignent de moi à travers nos échanges. Ils me donnent mille contours auxquels je me destine quand parfois je m’en éloigne pour effectuer un déplacement. Est-ce alors un pas de côté, une invention, une réinvention, un changement, une trouvaille ? Ne découvre-t-on pas que ce qui était préalablement couvert ?

 

Il n’y a pas d’identité car nous ne sommes jamais identiques à nous-mêmes. Il n’y a que de vulgaires morceaux de papier qui vous en assignent une sous quelques critères de reconnaissance somme toute assez futiles. Votre enveloppe bien qu’elle vieillisse, est ce qu’il y a de plus certain pour vous identifier mais non pas pour vous définir. Elle vous contraint mais les possibilités sont si larges que vous ne pouvez-vous y réduire.

 

Entre reconnaissance et rejet, acceptation et refus, nous situons les autres et nous-mêmes dans un ensemble mouvant, qui se métamorphose continuellement, formant en nous un nuage de points que nous tentons de relier pour inventer notre ligne de conduite, cherchant à nous y tenir et par la même permettre au plus grand nombre de cerner ce qui nous tient le temps d’une rencontre ou d’une vie.

 

Que peut-on dire dès lors de celle que je suis à travers la réponse que j’en donne ? Vous aurez votre interprétation, moi la mienne, si nous échangeons vous penserez toucher dans le mille ou être passé à côté de la vérité de l’autre, parfois un peu des deux. Toutes nos images s’entremêleront dans une courte interaction ou chacun d’entre nous en fonction de ses propres intérêts et échelles de valeurs offrira à l’autre un reflet. Dans ce jeu de miroir quelques facettes de nous se dévoileront et ce qui reste, tel un mystère, nous échappera.

 

Invariable variabilité, douce mouvance et mur du réel, solidités, barrières, ou limites consenties, c’est au gré des humeurs du promeneur solitaire, dans la lumineuse pénombre de sa vie, que la véritable rencontre avec l’Autre se produit, qu’un rayon lui révèle ce qu’il n’a pas été et lui ouvre la voie vers un nouveau devenir.

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