Démarche artistique actuelle
C’est autour de la question des rapports de force dans lesquels l’humain se trouve pris et les états d’âme qui en émergent que s’articule mon travail.
Le processus dans lequel mes créations s’ancrent est lié à un jeu entre identification et dépassement, un jeu qui se transforme parfois en combat, le combat auquel tout être humain se livre, plus ou moins intensément et violemment, pour améliorer sa condition, pour se rapprocher de ses idéaux, pour en changer quand ceux-ci n’apportent plus une vision de l’avenir apaisante.
J’interroge des situations, des événements, des moments, dans lesquels nous prenons une part, plus ou moins active, j’essaie de les symboliser, pour les définir et ouvrir à la transformation.
Je propose donc un travail autour de la posture et de la limite, sur le changement, sur ce qui nous permet de tenir debout, sur ce qui parfois nous met à terre ou encore nous donne des ailes.
Pour vivre, l’être se représente le monde et se représente lui-même. Mais ces images sont mouvantes. Le temps nous amène à nous interroger sur nos croyances, à en voir certaines se renforcer tandis que d’autres s’effritent. C’est probablement la perte de certaines d’entre elles qui nous pousse à changer de représentation, pour pouvoir changer. C’est donc un travail autour des interprétations de la réalité qui nourrit mes réflexions.
Je travaille sur ce qui m’interpelle, attise ma curiosité, et parfois même me dérange ou dérange les autres. Etre dérangé, c’est cette force qui vient en nous questionner l’ordre établi et nous donne ainsi l’opportunité de nous réorganiser.
J’essaie, dans un travail analytique et intuitif, de décortiquer, d’identifier, ces forces qui prennent racines en nous, de comprendre leurs origines et de voir comment elles nous conduisent à agir.
L’humain a cela de fascinant que c’est souvent dans ses comportements les plus incohérents qu’il met à jour ce qu’il est le plus profondément, ce qui est le plus encré/ancré dans cette histoire qu’il conte comme la sienne, dans la somme des répétitions qui le définit. Et c’est peut être ce qui paraît le plus « inhumain » ou « illogique » qui est le propre de l’espèce humaine, ces forces en lui qui se contredisent et qui le mettent parfois en question ou en rupture.
En effet, s’arracher à soi-même pour se redéfinir est le propre de l’Homme. Il n’y a que l’homme pour renaître à la vie. Cela l’oblige à entrer dans une dualité avec lui-même, à prendre de la distance, à faire face à de vives secousses liées à des prises de conscience.
Renaître, c’est aussi un peu mourir…
Ainsi, ces allées et venues le plongent-elles, par moment, dans de grandes pertes de repères, des moments de flottements où le « je » a le sentiment que le sol se dérobe sous ses pieds, le temps de redéfinir sa vision du monde et donc de soi-même, un temps pour se situer à nouveau et retrouver l’accalmie, un temps avant la prochaine tempête. La vie n’est qu’une succession de métamorphoses, qu’elles soient douces ou vives.
Interroger les forces que nous abritons et qui nous constituent, c’est également se tourner vers la question de la limite. La limite qui se noue entre ce que nous acceptons et ce que nous refusons, entre ce que nous nous autorisons et ce que nous nous empêchons de faire, d’être ou de penser.
La limite est cette interface entre association et dissociation, un point de rupture comme un point de rencontre. La limite est le lieu de l’incertain, de l’instable, du début ou de la fin. La limite c’est ce moment où la fragilité surgit, où le basculement est possible et où la destruction peut s’immiscer. La fragilité comme point de rencontre entre la force et la faiblesse. Le lieu où peut naître la sensibilité. L’instant qui peut être à l’origine d’un changement de posture.
Je crée des images de ces moments de prise de conscience. C’est à cet endroit, à ce point de rencontre que l’autre est invité, interpelé ou non par les travaux que je présente.
C’est donc un art qui se tourne du côté de l’intime, de l’intériorité, de la reconnaissance de la pluralité des forces qui nous composent dans ce qu’elles ont de satisfaisant quand leur mouvement nous transporte sans regret et de ces failles qu’elles créent lorsqu’elles s’entrechoquent ou se contredisent.
Un voyage entre libération et aliénation, entre rupture et contemplation, entre connaissance, compréhension et instinct.